Dans les derniers jours, le ministère de l’Enseignement supérieur a transmis une directive au réseau collégial qui exige que le budget d’investissement de chacune des institutions soit réduit, et ce dès cette année, qui serait une année transitoire, mais de façon encore plus marquée en 2025-2026 et en 2026-2027.
Uniquement dans le cas du Cégep de l’Outaouais, les nouvelles règles budgétaires qui lui sont imposées se traduiront par une réduction de plus de la moitié (54 %) du «niveau d’investissement par rapport aux allocations normalisées», indique une note de service dont nous avons obtenu copie et envoyée au personnel mercredi par le directeur général Steve Brabant, qui a préféré ne pas commenter la situation.
«Je comprends que cette situation peut susciter des préoccupations et des incertitudes. Soyez assurés que nous mettrons tout en œuvre pour minimiser l’impact de ces réductions sur notre mission éducative et sur la qualité de nos services, écrit-il dans la missive. Des représentations sont menées auprès des autorités afin de faire valoir nos besoins particuliers et de préserver ces ressources qui sont essentielles à la livraison de nos programmes et de nos services.»
Des restrictions lors d’une année historique
Ce feu jaune du ministère arrive au moment où le Québec atteint des sommets avec près de 185 000 étudiants collégiaux et que la plus récente rentrée s’avère historique pour le Cégep de l’Outaouais avec plus de 5300 étudiants, une hausse de 5 % en à peine un an. Pour la première fois, son devis scolaire (le nombre d’élèves financés versus l’espace physique) a été dépassé et pourrait sous peu atteindre 105 % .
Le Cégep aura dans les prochaines années l’une des plus importantes croissances d’effectifs du réseau collégial de la province alors que sa clientèle est appelée à passer de 5000 à plus de 6000 étudiants d’ici 2032, en se basant seulement sur la prévision des effectifs du ministère et la hausse démographique.
Face au manque d’espace, l’établissement cogne à la porte de Québec depuis quelques années pour des projets d’agrandissement – l’ajout d’une nouvelle aile de deux étages au campus Gabrielle-Roy est déjà financé (33 millions) et la construction devrait s’achever en 2026 –, mais ces compressions budgétaires pourraient bien venir contrecarrer certains plans ou du moins écarter d’emblée des projets.
L’ajout d’un quatrième étage à l’un des édifices du campus Félix-Leclerc et l’agrandissement du bloc sportif au campus Gabrielle-Roy, des projets qui nécessiteraient des investissements de plusieurs dizaines de millions de dollars, ont toujours été dans la mire du Cégep. Or, on ignore ce que la nouvelle consigne pourrait avoir comme impact sur ces idées.
Dans la note interne, la direction rappelle que le budget en investissement consiste en des sommes allouées chaque année «pour financer le maintien, le remplacement et l’ajout de ressources matérielles et technologiques, dont des infrastructures et des équipements qui servent à la réalisation de [la] mission éducative».
Elle ajoute que ces restrictions s’appliquent à l’ensemble du secteur public et sont motivées entre autres par le contexte économique inflationniste et les récentes recommandations de la Vérificatrice générale du Québec quant à la gestion du parc immobilier des cégeps.
Dans le rapport publié le printemps dernier, on faisait plusieurs constats, notamment que «les deux tiers des bâtiments des cégeps sont en mauvais état et les investissements ne permettront pas de renverser leur dégradation importante», puis que «certaines autorisations d’agrandissement sont basées sur une analyse inadéquate des besoins d’espace».
Un quart des dépenses
La note de service précise que dans le cas du Cégep de l’Outaouais, pour l’année en cours, les dépenses relatives à des engagements contractuels conclus avant le 1er août dernier, lesquelles Québec s’engage à rembourser, représentent 74 % des dépenses budgétées. Certaines dépenses non engagées pourraient aussi être approuvées, spécifiquement celles qui touchent la santé et la sécurité ou qui pourraient mener à des ruptures de service.
L’institution précise que le quart de ses projets (26 %) seront suspendus temporairement, car ils sont liés à des dépenses non engagées ou ne répondant pas aux nouveaux critères exigés par le ministère.
Selon Christian Bernier, président du Syndicat des enseignantes et enseignants du Cégep de l’Outaouais (SEECO), cette consigne du ministère est «déplorable» compte tenu du contexte.
«D’autre part, c’est une surprise, c’est assez sournois la façon que cela a été fait [par Québec]. Ça s’est décidé à la fin juillet, alors que tout le monde était en vacances, y compris les directions, lance-t-il. On sort d’une négo où on a eu 17 % [de hausse salariale], alors j’ai l’impression que le gouvernement finance les augmentations avec des compressions dans les milieux. Le timing semble assez bizarre, ça semble orchestré.»
À son avis, une telle directive arrive à un moment bien mal venu pour le Cégep de l’Outaouais, qui déborde déjà et doit composer avec plusieurs défis.
«Non seulement on manque de place, mais les immeubles sont vieillissants, les équipements aussi. La douzaine de classes modulaires à Gabrielle-Roy, elles sont là depuis quoi, 20 ans? Leur durée de vie est finie. Et on a souvent des problèmes de climatisation ou de chauffage, particulièrement à cet endroit, mais pas que là», affirme-t-il.
Il indique que ces derniers temps, la climatisation était en panne dans cette section, si bien qu’un enseignant a mesuré une température ambiante de 30 degrés Celsius dans sa salle une fois les étudiants réunis.